Le PROTO Motobécane

Modification d’une Mob AV79 de 1957

La première fois que j’ai vu une Motobécane AV 79 avec ses formes tout en rondeur c’était en 2017et j’ai eu un flash en l’imaginant avec une selle à ressort, une grosse roue à l’arrière et des gardes-boue lissés.

J’ai eu l’occasion d’acquérir un modèle que l’ancien propriétaire avait équipé de roues à bâtons piquées sur une 51.

Après une remise en route je me suis aperçu que le vendeur avait « oublié » de me signaler que le cadre était tordu en banane . La brèle roulait en crabe dans les lignes droite, engageait méchamment les courbes à gauche et ne voulait pas tourner à droite. Bref il fallait trouver une nouveau cadre ou en profiter pour réaliser un projet qui me trottait dans la tête depuis quelque temps.

On sort la scie à métaux et le poste à souder pour faire des étincelles. Nous somme en décembre 2022

Après avoir fabriqué un marbre et tronçonné quelques soudures des haubans arrières j’ai redressé la cadre avec un vérin hydraulique de carrossier. J’en ai donc profité pour écarter les 2 tirants et les 2 haubans de 2,5cm pour élargir le passage de la roue arrière sachant qu’elle allait être équipée d’un pneu beaucoup plus large (3,5 pouces).

On coupe le tube de la béquille, horizontalement et verticalement et on écarte les 2 tirants de 2,5cm avec un vérin. Pour ceux qui n’ont pas de vérin cela peut se faire avec un système de vis écrou costaud.
On rallonge le tube de la béquille avec un tube carré que l’on glisse dans l’espace de l’écartement et on ressoude le tout.
Vue de dessus après avoir écarté les 2 tirants et rallongé le tube de la béquille
On ressoude le tout sans oublier la plaque de protection du tube de la béquille qui sert de fixation au garde boue arrière. Sur la photo, la soudure doit être finie en retournant le cadre.
Il faut usiner et souder un tenon solide pour le flasque du tambour de frein arrière

Après je vous passe les détails désagréables comme la chaîne qui touche le bord du pneu. Je décale donc la couronne avec une entretoise de 7 mm. Il faut ensuite aligner la poulie avec la nouvelle position de la couronne et vous avez grillé une nouvelle journée de boulot.

Pendant que j’avais la disqueuse à la main j’en ai profité pour couper dans le vif. Le garde-boue arrière a été découpé sur toute sa longueur dans le sens longitudinal puis j’ai ressoudé les 2 parties en insérant une bande de tôle de 2,5 cm de large.

Le chantier est resté ainsi en stand by pendant tout l’hiver, mes occupations professionnelles ne me laissant pas le temps d’avancer le projet.

On est le 1er Juin 2023 et dans 10 jours c’est le rassemblement des 100 ans de Motobécane à St Quentin, je décide de terminer mon proto pour cette événement mais ça va être chaud.

Je me bloque 10 jours pour qu’elle soit finie et ça ne va pas être de tout repos.

La partie le plus longue dans une restauration c’est toujours le décapage et le sablage. Il faut blanchir chaque pièce, chaque vis, chaque écrou et rondelle. Pour ceux qui ont déjà fait cet exercice ils savent de quoi je parle. C’est très chronophage mais indispensable car je n’envisage pas de remonter de la visserie ou des pièces pourries par l’oxydation sur un cadre avec une peinture neuve. Ensuite je porte tout à la galvano pas très loin de chez moi

Sur cette photo j’ai également les pièces d’une AV 78 à compas qui sera à remonter prochainement.

Maintenant on va faire chauffer le mastic et le papier de verre. A noter que j’ai entrepris de supprimer les jointures latérales des garde-boue avant et arrière. On comprend bien l’intérêt économique de Motobécane à l’époque de faire ces pièces en 3 parties mais je trouve que ce joint est vraiment laid. De plus c’est un nid à rouille car l’humidité reste dans les replis des tôles. Je décide de souder les joints à l’étain (à l’ancienne) pour limiter les déformations de la tôle

Le garde-boue arrière
Il faut aussi retailler le galbe les formes et les longueurs puisque l’on passe des roues de 19 à des roues de 17 pouces.

Après 3 jours de ponçage (je ne suis pas un pro) les pièces sont prêtes à peindre. J’ai choisi une peinture bi-composant en brillant direct beige qui sera associée à des pièces peintes en noir vermiculé. C’est une peinture en poudre qui s’applique à l’aide d’un pistolet électro-statique. La poudre durcie et prend sa texture définitive après une cuisson au four à 200°C pendant 15 minutes.

Le cadre et les garde boue avant la couche d’apprêt.

Pour la peinture j’ai fait ça à l’extérieur et j’ai eu de la chance car il avait plu la nuit, le sol était encore humide, pas de vent et 25°C de température. Donc on en profite pour arroser toutes les pièces sans perdre de temps, il me reste 3 jours pour finir avant le départ.

J’avais acheté 2 selles de vélos anciens sur une bourse. Avec les deux j’ai pu en reconstruire une, le cuir était irrécupérable sur les deux modèles, j’ai donc opté pour un tissu imprégné de silicone noir collé sur l’ancien cuir. On commence à assembler les pièces.

A ce stade il me reste à traiter encore les roues. Donc sablage laborieux des bâtons et du chrome abîmé des jantes. Je suis obligé de les repeindre entièrement et elles ne rentrent pas dans mon four de cuisson acheté à 20€ sur le boncoin. Il ne me reste plus que 2 jours pour finir et je n’ai pas le temps de tergiverser il me faut une solution tout de suite.

Je décide de les faire cuire au barbecue. Je sais c’est dingue comme idée mais j’étais coincé. Donc je tente le coup sur mon Kamado, c’est un barbecue en céramique au charbon de bois qui permet de tenir précisément une température. Mon soucis c’est la poussière et les fumées pendant la phase de transformation de la poudre en peinture.

Avant le cuisson
Après cuisson à 200°C pendant 15 mn

Avant et après peinture

Le remontage continue, le moteur était déjà prêt et c’est du basique et classique, il s’agit d’un AV10 légèrement préparé (diagrammes à 180 / 122) avec un cylindre Airsal T4 légèrement retravaillé sur l’échappement avec une cale sous le cylindre. La culasse est modifiée pour obtenir un taux de compression de 10,5 le tout alimenté avec un carbu SHA de 15 gicleur 72. L’objectif est d’avoir du couple et de la fiabilité. Le pot est prêt également, il a été modifié pour être en accord avec mes diagrammes et les chicanes ont été remplacées par un tube à absorption entouré de laine de céramique.

Je souhaite avoir l’enroulé du pot qui soit collé sous le moteur. Une autre difficulté est qu’il ne doit pas toucher le garde-boue avant et l’ensemble doit rester esthétique. La disqueuse et le poste a souder m’ont permis d’arriver au résultat escompté. Il ne me reste plus qu’une journée pour finir et charger dans la remorque.

Le pot à l’origine était prévu pour être monté avec un adaptateur et des ressorts, il pendouillait à 6 cm sous le moteur et butait dans le garde boue avant.
Après tronçonnage du tube et mise en place à blanc du pot il va falloir adapter la forme du tube sans en modifier la longueur pour conserver l’accord. Une demie journée de plus…

Le jeudi soir la mob est terminée, je fais un premier essai dans la rue pour casser une patte de fixation du pot. Retour à l’atelier jusqu’à tard dans la nuit. Demain on charge et c’est le départ pour les 100 Ans de Motobécane. J’en profite pour faire quelques photos,

Le vermiculé (ou grainé selon les marques) a un rendu magnifique en noir au soleil. C’est ce type de texture qui était utilisé sur les boîtiers des appareils photos dans les années 70.

Le soir du vendredi 9 juin 2023 nous sommes au camping de St Quentin après 600 km de route.

Le paris est tenu, mon proto est de la fête. Et puisque je ne fais pas toujours des choses sensées et raisonnables, je prends le risque de faire la première ballade de 90 km du samedi avec le proto. La mob a terminer sans problème par contre le pilote a moyennement apprécié le confort spartiate de la selle !.

Lors de l’expo beaucoup de personnes m’ont demandé des renseignements et je n’ai pas pu, par manque de temps, répondre exhaustivement à chacun. J’espère que ces quelques explications donneront des idées à d’autres pour faire évoluer la mode actuelles qui consiste à dépouiller une brêle de ses garde-boues et de ses carters.

Il me reste encore à finir la gestion de l’éclairage avec une batterie lithium chargée depuis le moteur et le compte tour qui affiche le double de la vitesse réelle du moteur. Puis ce sera le tour de la AV78 à compas qui sera restaurée dans les règles de l’art, ce modèle étant beaucoup plus rare.

En pose devant la fresque de l’usine Motobécane

Septembre 2023

Il me reste quelques finitions à terminer et notamment la partie électrique.
Je veux alimenter mes feux à LEDs et le compteur électronique depuis le volant magnétique du moteur. Celui-ci délivre une tension alternative non régulée et j’ai besoin d’une tension de 12vlots continu. Tant qu’à faire autant intégrer une petite batterie qui me permet de faire fonctionner tout ça lorsque le moteur ne tourne pas.
Je n’ai plus la place suffisante pour mettre tout ça sous les carters moteur donc ce sera dans la boite à outil ovale et pour éviter que tous les composants se baladent j’ai fait un support en impression 3D.

J’ai utilisé un pack de batterie lithium avec un limiteur de surcharge ou de décharge ICI et un régulateur convertisseur de tension ICI. Le pont de diode (carré en aluminium) sur la photo n’est pas nécessaire.
Le fichier STL pour imprimer le support de batterie et du régulateur est ICI.

J’ai présenté cette mobylette à la sortie des Meules de Savoie et au Rockabylette 2023.
J’ai reçu beaucoup de compliments (merci à tous ceux qui se reconnaitrons) et beaucoup de questions notamment au sujet du compteur. Il s’agit d’un mini compteur de vitesse, odomètre et compte tours moteur. Il peut se brancher sur un allumage classique à rupteur avec une impulsion par tour de moteur ou sur un allumage type Moryama à 2 impulsions par tour. Je l’ai un peu modifié pour adapter les formes au style de la Mob mais c’est le même que ICI.

Maintenant je la considère finie et j’espère pouvoir en profiter la saison prochaine après avoir résolu le problème du contrôle technique en avril 2024…

6 réflexions sur « Le PROTO Motobécane »

  1. Franchement incroyable. Belle machine et belle restauration. Quel travail ! C’est vraiment unique dans le style et les solutions pour la transformation et la restauration sont vraiment originales. Vous êtes un créatif !

    • Merci. La question revient souvent sur le temps passé sur ce projet. J’ai donc fait les comptes pour arriver à une estimation d’environ 200 heures tout compris. Bien sûr ce temps varie en fonction de l’expérience de chacun et de son outillage.

  2. Magnifique réalisation, j’étais à SAINT QUENTIN [venu en moto], je ne vous ai pas vu et c’est dommage pour moi. Sinon, moi en tant que motard, j’ai apprécié cette commémoration, l’esprit et l’ambiance.
    Bien à vous. Régis

  3. Je t ai croisé atreignat quand je discutais avec Philippe,
    Magnifique proto j aurai bien aimer le voir de plus prêt , mais je devais rentrer chez moi, beaucoup de route.
    Étant un puriste , j admire ton travail et le résultat final .
    Superbe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *